L'intégrisme religieux.

~ LA NAVRANTE ASCENSION DE L'INTEGRISME RELIGIEUX ~

Ecologie, urbanisme futuriste, climat
et quelques photos insolites
L'arme nucléaire et
la première bombe anatomique
Retour à l'accueil Le conflit Israélo-Palestinien
articles de presse
Israël, une histoire d'eau
de pétrole et de gaz
Quelques pionniers
explorateurs
La Corrèze,
d'hier à aujourd'hui
Une hitoire
d'eau
Des riches
et des pauvres
Henry Ford,
Portrait en noir et blanc

Et des histoires de Trolls, d'Elfes et de coloquintes sur les pages Islande, Norvège, et Lybie.

Ceux qui ont joué avec le feu

INDE - PAKISTAN

A la fin de la seconde guerre mondiale, Clement Attle, premier ministre travailliste Anglais, succède au conservateur Churchill et décide de négocier le retrait de son pays des Indes car il craint d'en être chassé par la force. Il confie cette tâche à Lord Louis Mountbatten, ancien commandant suprême interallié sur le théâtre d'opérations du Sud-Est asiatique, venant d'être nommé vice-roi des Indes.
Les musulmans réclamaient la création d'un état pour eux, car proclame leur leader Jinnah :
- On ne peut plus cohabiter avec les Hindous, leur culte de la vache sacrée est infantile, le système des castes aberrant.
Ce qui séparait les Musulmans des Hindous n'était pas seulement d'ordre métaphysique, mais aussi social, la grande barrière était le système des castes utilisé par les classes dominantes pour maintenir en esclavage des populations aborigènes. La majorité des nouveaux convertis à l'islam étaient logiquement les parias de l'hindouisme, les intouchables. Les Musulmans et les Hindous habitent des quartiers distincts, ne puisent pas leur eau dans les mêmes puits. A ces distinctions sociales et religieuses s'ajoute l'inégalité économique. Les Hindous furent les plus dynamiques et devinrent les hommes d'affaires et les administrateurs du pays.
L'idée de créer un Etat indépendant pour les musulmans a été formulé pour la première fois en Janvier 1933, un nom avait même été proposé : Pakistan qui veut dire le pays des purs. Le conflit dégénéra durant l'été 1947, qui a commencé ? Deux thèses en présence:
¤ Les Hindous fanatiques se mirent à massacrer les minorités musulmanes. Celles-ci ripostèrent d'une manière aussi sanguinaire.
¤ Les musulmans s'étaient attaqués aux minorités hindoues. Déclenchées à Calcutta, des émeutes sanguinaires s'étaient propagées. Les hindous avaient riposté avec une égale sauvagerie.
Devant le spectre d'une guerre civile, les dirigeants du mouvement de libération nationale, Nehru en tête, acceptèrent résignés, la partition, ce qui ne put empêcher qu'un désordre indescriptible s'installe. Le bilan de ces massacres fut lourd, un million de morts, dix millions de réfugiés. L'exode et les meurtres portèrent les haines à un tel paroxysme, que deux mois après la déclaration de leur indépendance, éclata le premier conflit armé entre l'Inde et le Pakistan, au sujet du Cachemire, état princier qui avait refusé de choisir entre les frères ennemies, préférant l'indépendance, et que chacun voulait s'annexer.
Mohammed Ali Jinnah 70 ans, ancien membre du congrès et partisan de l'entente Hindous Musulmans, rompit pour rejoindre la ligue musulmane après les élections de 1937, quand le congrès refusa de partager les maigres pouvoirs accordés par les anglais, dans les provinces où existait une minorité musulmane importante. Pourtant il n'y avait pas grand-chose de Musulman chez lui, il buvait de l'alcool, mangeait du porc, négligeait de fréquenter la mosquée. Il avait pourtant réussi à rassembler autour de lui la grande majorité des quatre-vingt-dix millions de musulmans indiens, sans parler couramment leur langue, l'urdu. Il aimait le luxe, l'ordre et la discipline. Il voulait créer un pays laïc et resta inflexible. Pour Mountbatten, c'était un psychopathe obnubilé par son Pakistan.
Le Pakistan était dès le début condamné à l'absurdité géographique d'un état divisé en deux parties, l'est et l'ouest distant de 1500 km. Le Pendjab qui signifie terre des cinq rivières dont l'Indus, est peuplé de seize millions de musulmans, quinze millions d'Indous, cinq millions de Sikhs. Le Bengale à l'autre extrémité de la péninsule, compte trente-cinq millions d'Hindous et trente millions de Musulmans. Quel que soit le tracé de la partition, il promettait de créer un véritable cauchemar. L'adhésion de Nehru entraîna celle des autres, et Gandhi qui refusait de partager l'Inde, resta seul avec son rêve brisée. Dans son rapport à Clément Attlee, Mountbatten écrit:
- La partition est une pure folie, et personne n'aurait pu me forcer à l'accepter si l'incroyable démence raciale et religieuse qui s'est emparée de tous ici, n'avait coupé tout autre issue.

AFGHANISTAN - PAKISTAN

Dans les années 70 les États-Unis soutiennent le Pakistan face à l’Inde qui se voulait le fer de lance des pays non-alignés. Le dictateur parvenu au pouvoir au Pakistan par un coup d’Etat militaire en 1977, a instauré un régime islamique. Il décide la construction d’écoles coraniques dans le but d’enseigner un islam fondamentaliste et de préparer les jeunes au djihad. Quant à l’URSS, pour éviter sa perte d’influence en Afghanistan, elle décide d’intervenir discrètement et pacifiquement dès 1978, pour y instaurer un régime à sa convenance. Celui-ci met en place une série de réformes économiques et sociales, alphabétisation, droit des femmes, réformes agraires et surtout athéisme d’Etat, qui contrarient les coutumes conservatrices afghanes et fâchent les islamistes. Le régime se trouve rapidement en difficultés et appelle au secours l’URSS. C’est dans ces conditions que l’Armée rouge envahit l’Afghanistan fin décembre 1979. Les moudjahidines, où guerriers saints, vont prendre la tête de la résistance et, dopés par l’aide mise au point par la CIA et secrètement approuvé par le président Jimmy Carter, finiront par vaincre dix ans plus tard.
l'islam politique a été instrumentalisé et radicalisé à la fin des années 1970, lorsque les États-Unis ont théorisé la nécessaire réislamisation des sociétés arabes pour faire face à l'extension du communisme dans la jeunesse de ces sociétés et d'autres sociétés musulmanes en Asie. Cela s'est notamment traduit par l'enrôlement et l'entraînement de milliers de jeunes Arabes en Arabie saoudite et au Pakistan, sur la demande des États-Unis, pour aller se battre contré l'armée soviétique qui a envahi l'Afghanistan en 1979, en invoquant la nécessité d'un «djihad» contre les athées soviétiques. C'est de cette première guerre d'Afghanistan qu'est née l'organisation al-Qaida d'Oussama ben Laden, riche ressortissant saoudien, et qu'est né le mouvement des talibans, pratiquant lui aussi un islam radical à la mode saoudo-wahhabite. Ce que nous vivons aujourd'hui n'est que la suite logique de cette politique fatale.
Cette aide transite par le Pakistan. Ainsi, les Etats-Unis vont tenir leur pari d’offrir à l’URSS, dans le cadre de la guerre froide, sa guerre du Vietnam. Un conseiller de Jimmy Carter dira :
Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les Talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ?
Le 20 janvier 1981, Ronald Reagan succède à Jimmy Carter. Aider les moudjahidines afghans est plus que jamais prioritaire. Après leur retrait d’Afghanistan, les Soviétiques ont proposé aux Américains d’agir de concert contre l’islam radical. Ils n’ont eu aucune réponse. L’action des islamistes et des communistes afghans et russes a abouti à la quasi disparition des partis politiques traditionnels d’Afghanistan et, comme souvent dans ce cas, la population privée de libertés s’est réfugiée dans la religion. Le choix politique qui s’offre désormais au peuple est entre les islamistes extrémistes, les Talibans, ou un islam raisonnable, de paix et de tolérance, mais qui aura du négocier un compromis avec les fondamentalistes.
En novembre 2010 au Pakistan, une paysanne mère de famille, accusée d'avoir blasphémé contre le prophète Mahomet a été condamnée à mort. Le gouverneur de la province pakistanaise du Pendjab a été tué mardi 04 janvier 2011 par un de ses gardes, expliquant l’avoir tué car il était opposé à la loi sur le blasphème. Seuls 3% des 167 millions de Pakistanais ne sont pas musulmans et appartiennent à des minorités qui se plaignent de discrimination.

IRAN

Le Shah d'Iran avait instauré un régime politique autoritaire et développé son pays suivant les valeurs du capitalisme, cela heurtait les coutumes de la population le plus souvent basé sur la religion. Nasser, qui est devenu président de l’Egypte et un des leaders du tiers-monde encourage discrètement la subversion contre le Shah. En mai 1963, il dépêche un colonel de ses services spéciaux dans la ville sainte chiite de Qom pour y rencontrer le jeune ayatollah Khomeiny. En même temps il accuse les Frères musulmans d’être des terroristes médiévaux et des agents de la CIA, ayant oublié qu'il s'est appuyé sur eux pour réussir son coup d'Etat du 23 juillet 1952 qui l'a porté au pouvoir.
En 1978 l’Iran est paralysé par les grèves, le Shah a imposé la loi martiale et interdit les manifestations. La plupart des analystes sous-estiment le rôle des islamistes dans la crise. Le principal opposant au Shah, l’ayatollah Khomeiny, s’est installé, en 1978, à Neauphle-le-Château, en France, avec un visa de tourisme. Il y enregistre des discours dans lequel il appelle le peuple à la révolte et l’armée à la désertion. Les cassettes sont envoyées à Berlin-Est où l’état major du Toudeh, le parti communiste iranien, les reproduit à des milliers d’exemplaires pour être distribuées à la population de Téhéran. Le bloc soviétique mise lui aussi sur la chute du Shah, allié des Américains. L’ayatollah Khomeiny s’est donné comme mission de débarrasser son pays de la corruption occidentale et d’y installer une république islamique, ce qu’il fera le 11 février 1979.
Les nationalistes et islamistes arabes saluent l’effondrement du régime pro-occidental du Shah. Le 4 novembre 1979, des étudiants islamistes occupent l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran. Ils exigent que leur soit livré le Shah, hospitalisé et mourant à New-York. L’humiliation des diplomates otages est diffusée par les télévisions du monde entier. La crise va durer quinze mois. Elle est considérée par les islamistes du Proche-Orient comme un encouragement.
La révolution khomeyniste en Iran, le combat des moudjahidines afghans contre les communistes Russes confortent les partisans de l’islam radical.

ARABIE-SAOUDITE

La prise de la Grande Mosquée est la prise d'otages par un groupe d'environ 200 fondamentalistes islamistes, étudiants à l’université islamique de Médine, et opposants à la famille royale saoudienne, de la mosquée Al-Masjid al-Haram, à La Mecque en Arabie saoudite, le 20 novembre 1979. Ce coup de force ébranla le monde musulman puisqu'il se déroulait dans le lieu le plus saint de l'islam et que des pèlerins, présents pour le hadj, pèlerinage, furent pris en otage. La famille Ben Laden et ses entreprises furent impliquées dans cette opération. Le gouvernement saoudien dut demander une dispense pour permettre le port d'armes dans la Grande Mosquée, mais la Garde nationale saoudienne se révéla inefficace, 127 de ses hommes furent tués dans des tentatives pour récupérer le contrôle de la mosquée. Après cet échec, les forces de sécurité françaises furent appelées en renfort. Pour éviter que le périmètre sacré soit pénétré par des non-musulmans, les gendarmes du GIGN ont dû se soumettre à une rapide cérémonie de conversion à l'islam.
En Iran, l'ayatollah Khomeini affirma que les États-Unis étaient à l'origine de la prise d'otage. Cette rumeur se propagea très rapidement. À Islamabad, Pakistan, le 21 novembre 1979, une foule en colère prit d'assaut l'ambassade américaine et la brûla complètement. Une semaine plus tard, ce fut l'ambassade américaine à Tripoli, Libye, qui subit le même sort.
Les rebelles survivants furent arrêtés et le gouvernement saoudien les fit exécuter sans jugement. Soixante-trois rebelles furent décapités en public et en direct sur la télévision saoudienne.
La rébellion permit aux autorités religieuses de renforcer leur pouvoir.

IRAK - IRAN

Le 22 septembre 1980, Saddam Hussein attaque l’Iran, cette guerre durera huit ans et fera un million deux cent mille victimes. Elle fait aussi l’affaire de l’Etat Hébreu qui a intérêt à voir les deux belligérants s’affaiblir. C’est ainsi qu’Israël livre des armes à l’Iran de l’ayatollah Khomeiny, pour 100 à 500 millions de dollars par an, tandis que l’Arabie Saoudite aide l’Irak et Ronald Reagan reprendra les livraisons d’arme à Saddam Hussein en 1983.
Le 7 juin 1981 Israël détruit le réacteur nucléaire civil de Bagdad que l’Irak avait acheté à la France. Saddam Hussein réagira en développant un programme nucléaire clandestin qui sera découvert après la guerre du golfe de 1991.
A partir du 2 août 1990, l’Irak envahit le Koweit. La guerre des alliés aura lieu en février 1991. Yasser Arafat apporte son soutien à Saddam Hussein.
En mars 2003 les Etats-Unis envahissent l’Irak.

ISRAËL - LIBAN

En 1982, Sharon fait la guerre contre les troupes et l’état major de l’OLP qui se sont réfugiées au Liban. Les 16 et 17 septembre, c’est le massacre de Sabra et Chatila perpétré par les phalangistes chrétien, 5000 réfugies palestinien sont tués alors que Tsahal occupe le Liban et laisse faire. Ces évènements participent à l’émergence du Hezbollah qui va développer des forces militaires capables de tenir tête à l’armée d’Israël et qui font jeu égal avec l’armée libanaise. Cela grâce à l’influence et à l’aide financière de l’Iran de l’ayatollah Khomeiny. Le Hezbollah devient le parti de Dieu et se donne pour mission de libérer la Palestine :
Si Israéliens et Palestiniens parvenaient à se réconcilier et à tracer de nouvelles frontières, le Hezbollah ne les acceptera pas, un tel accord ne lierait que ses signataires.
En 2000 l’Etat Hébreu se retire unilatéralement du Sud-Liban après dix huit années d’occupation, alors qu’il ne cède pas un pouce de terre aux Palestiniens. Les Arabes saluent
la victoire de la milice chiite.
Arafat se sent humilié. Le Hamas jubile :
Arafat est faible ! La voie tracée par le Hezbollah est la bonne !
En 2006 c’est la seconde guerre du Liban, mais Tsahal ne pourra obtenir la victoire face au Hezbollah.

ISRAËL - PALESTINE - GAZA

En 1973, pour le Shabak, le service de sécurité intérieure d’Israël, l’association dirigée par Yassine n’est ni subversive ni terroriste.
la priorité, c’était de lutter contre les attentats commis par les organisations de l’OLP et sur ce point Yassine expliquait qu’il combattait la gauche palestinienne. Notre erreur a été de le laisser faire. Il est vrai qu’à l’époque ses buts paraissaient innocents : Propager la foi et la religion musulmane, défendre les bonnes mœurs et la morale, développer les œuvres sociales et des services de santé.

La Jamiat al-Ikhwan al-muslimin, l’association des Frères musulmans à laquelle appartenait Yassine a été fondée en 1928 par l’Egyptien Hassan el-Banna. Elle se donne pour but d’instaurer un Etat islamique fondé sur la charia. Dans le but de calmer l’agitation antibritannique qui régnait alors, la Compagnie du canal de Suez a financé la construction de sa mosquée et de son quartier général à Ismaïlia. El-Banna a fait alliance avec le Grand Mufti de Jérusalem, Hadj Amin al Husseini, qui fut un collaborateur des nazis à partir de Janvier 1941. En juin 1942, el-Banna sera arrêté et condamné à une peine de prison pour ses rencontres répétées avec des espions du III ème Reich.
Le principal théoricien des Frères musulmans est Sayyid Qutb, Certains de ses textes sont aussi virulents que Mein Kampf. Dans
Notre combat avec les Juifs,
article publié au début des années 50 et diffusé à nouveau en Arabie Saoudite en 1970 Qutb écrit :
....Et les juifs ont recommencé à faire le mal, alors Allah a donné aux musulmans le pouvoir sur eux. Les musulmans les ont expulsés de l’ensemble de la Péninsule arabe. Ensuite, les juifs ont recommencé à faire le mal et en conséquence Allah a dépêché contre eux d’autres de ses serviteurs, jusqu’à la période moderne. Puis Allah a envoyé Hitler les dominer. Et à nouveau les juifs ont recommencé à faire le mal sous la forme d’Israël qui a infligé le malheur et le chagrin aux Arabes, propriétaires de la terre.
En 1967 il y avait à Gaza quatre-vingt-cinq mosquées. De 1967 à 1986, quatre-vingt nouvelles mosquées ont été construites. Les groupes extrémistes rivaux se servent des mosquées pour inciter à la violence et à la haine et mélange politique et religion.
En février 2004 Ariel Sharon décide unilatéralement
l’évacuation, pardon, le transfert de dix-sept implantations et de leurs sept mille cinq cent habitants de Gaza en territoire israélien,
en fait à Jérusalem-Est. L’évacuation est terminée le 12 septembre 2005. Les islamistes de Gaza célèbre ce qu’ils considèrent comme leur victoire et se préparent à cette nouvelle réalité. L’objectif du Hamas est désormais la prise du pouvoir politique. Il gagne d’abord les élections municipales puis les législatives qui ont lieu le 25 janvier 2006. Yassine est tué le 22 mars 2004 victime d’une liquidation ciblée, et en juin 2007 le Hamas part en guerre contre les postes de police tenus par le Fatah à Gaza, les partisans de Yasser Arafat sont défaits en 48 heures.

ISRAËL - PALESTINE

En juin 1967, la guerre des six jours libère les forces des religieux extrémistes musulmans et juifs. Pour les Frères, c’est le manque de foi en Allah, le refus de se conformer à ses lois qui sont les causes principales de la défaite, pour les juifs, l’Etat rêvé devient réalité : Hébron, Naplouse, Bethléem et surtout le Mur des Lamentations, vestige du Temple d’Hérode. Quelques heures après l’arrivée des paras victorieux, l’aumônier militaire, le rabbin Shlomo Goren s’adresse au commandant de la région militaire le général Ouzi Narkiss :
C’est le moment de placer 100 kilos d’explosifs sous le Dôme du Rocher et de nous en débarrasser une fois pour toutes.
Tandis que le ministre des affaires religieuses décrète le statut quo pour les lieux saints, le rabbin chef spirituel d’une école talmudique déclare devant un millier d’invités parmi lesquels le président de l’Etat Hébreu :
Nous retournons dans notre foyer, dans la patrie de nos ancêtres. Il n’y a pas ici de terre arabe. La terre d’Israël est une, ne vous contentez pas de la réunification de Jérusalem. Que la main qui signera des accords de concessions soit coupée.
Le sionisme messianique a des alliés de choix. A l’époque Menahem Begin prône l’installation de l’Etat sur les deux rives du Jourdain.
Que faire des territoires conquis en 1967 ? La rapide victoire laisse la question sans réponses et suscite un vaste débat contradictoire où des hypothèses nombreuses sont envisagées. Plus de quarante ans après, toujours pas de réponses.
De 1948 à 1967 la Bande de Gaza était sous la responsabilité de l’Egypte, la Cisjordanie et Jérusalem-est sous celle de la Jordanie. Pendant ces dix-neuf ans l’Egypte a maintenu les Gazaouis dans le confinement et a contrôlé strictement les activités religieuses. Dès le mois d’aout 1967, le nouveau maitre des lieux décide de construire en Cisjordanie, deux ponts sur le Jourdain, à l’est de Jéricho. Les Palestiniens peuvent se rendre à Amman et les Jordaniens en Palestine. A partir de 1971 les Gazaouis pourront aller en Israël pour y trouver du travail. Les intégristes religieux découvrent qu’ils sont plus libres qu’avant car le nouvel occupant ne surveille pas les mosquées. Les lieux de culte sont devenus des lieux d’immunité. La voie est libre pour le Hamas qu’Israël considère à l’époque comme une organisation strictement religieuse. La priorité, c’est la lutte contre l’OLP et le Fatah car Israël est victime de nombreux attentats meurtriers, la plupart commis par des organisations mises en place par Yasser Arafat ou avec son aval, mais dont il perd le contrôle petit à petit.
Le 22 novembre 1967 à New York, le conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 242 qui sera la base des négociations du conflit et le 10 juillet 1968, l’OLP adopte au Caire une charte considérée comme une déclaration de guerre à Israël. Cette charte définit le conflit comme national et non religieux.
C’est aussi à partir de 1967 que commence la construction de colonies dans les territoires conquis. Nombre d’entres elles seront construites sans autorisation, mettant ainsi l’Etat d’Israël devant le fait accompli. Elles sont aussitôt raccordées aux réseaux d’eau, d’électricité et de téléphone. Hébron est un autre cas. Le 11 avril 1968, trente deux familles s’installent illégalement en plein centre ville où ils viennent passer les fêtes de la Pâque juive avec la ferme intention d’y rester.
Nous ne cherchons pas à provoquer l’arrivée des temps messianiques, ce sont les temps messianiques qui nous poussent. Nous répondons à un appel divin.
déclarent les colons. La preuve est faite qu’un petit groupe de personnes motivées pouvait imposer sa volonté au gouvernement. En 2007, le quartier juif d’Hébron comptera plus de 7500 habitants religieux fanatiques, sans compter des dizaines de familles installées ailleurs dans la ville.
Le 25 février 1994, un colon extrémiste sioniste religieux et médecin servant dans l'armée, rentre dans le Tombeau des Patriarches en uniforme militaire et abat 29 Palestiniens en pleine prière à l'aide de son M16 de service et en faisant dans le même temps 125 blessés parmi les fidèles musulmans.

La fin des années 60 et le début des années 70 verra le conflit s’exacerber dangereusement. Avions de ligne détournés et passagers détenus en otages par des commandos palestiniens, ou attaqués par hélicoptère et détruits par les soins d’Israël, implication du Liban. En juin 70, nouveau regain de tension sur le canal de Suez où les soviétiques déploient des batteries de missiles. En septembre 72, aux jeux Olympiques de Munich onze athlètes israéliens sont tués après avoir été pris en otage par un commando de Septembre noir. Le 6 octobre 1973, jour du Kippour, l’Egypte et la Syrie attaquent sur le Golan et le long du canal de Suez.
A Gaza le Hamas assoie sa popularité en créant de véritables centres sociaux dotés de salle de sport, jardins d’enfants, écoles coraniques, dispensaires et autres organisations charitables. Le Hamas reçoit des fonds du Koweït, d’Arabie Saoudite, tandis qu’un nouveau sponsor entre en scène : l’Iran. La Jordanie participe également ainsi que des organisations musulmanes des Etats-Unis.
Pour le gouvernement américain, l’islam radical est l’antidote au communisme, comme le Hamas est l’antidote de l’OLP pour le gouvernement israélien.
Le 6 octobre 1981 le président Anouar el-Sadate est assassiné par un commando islamiste. Il venait de conclure la paix avec Israël et Yitzhak Rabin, premier ministre d'Israël, sera assassiné à Tel Aviv le 4 novembre 1995 par un extrémiste juif.
La situation économique et sociale dans les territoires palestiniens se dégrade : La croissance qui était de 14 % l’an au début des années 70 est tombée à 7 % au début des années 80 et à 4 % en 1987 pour 2 % en Israël. Toujours en 1987 il y a 634 000 habitants à Gaza soit 1730 h/km2, pour Israël c’est 198 h/km2 et 148 en Cisjordanie. Les salaires ont baissé de 27 % en 3 ans. 40 % de la population vit à trois ou quatre personnes par pièce. A Gaza 60 % de la population a moins de 19 ans. Il n’y a aucun système d’épuration des eaux usées et la pénurie d’eau potable ne cesse de s’aggraver. Les Gazaouis travaillant en Israël se plaignent d’humiliations : Les heures passées aux barrages militaires, les fouilles au corps, les cartes d’identité confisquées, les perquisitions nocturnes. Ils sont aussi victime des islamistes extrémistes qui leur reproche de fréquenter des Israéliens. Pourtant certains dirigeants des Frères musulmans sont pragmatiques et susceptibles d’accepter un compromis avec Israël.
Le 31 juillet 1988 le roi Hussein de Jordanie déclare :
Nous respectons le souhait de l’OLP de se séparer de nous et de former un Etat indépendant.
Résultat les treize mille enseignants, médecins et autres fonctionnaires de Cisjordanie ne sont plus payé par le royaume hachémite ce qui contribue à l’appauvrissement de la population. C’est aussi la fin de l’illusoire Etat Jordano-Palestinien prônée par certains comme Yitzhak Rabin.
En 1987 le Hamas adopte officiellement le djihad comme moyen pour libérer la Palestine :
Renoncer à une partie de la Palestine équivaut à renoncer à une partie de la religion. La seule solution c’est le djihad.
Le 15 décembre 1988 à Genève, Yasser Arafat déclare :
l’OLP a publié aujourd’hui une déclaration dans laquelle elle accepte les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité reconnaissant le droit à l’existence d’Israël dans la paix et la sécurité et renonce au terrorisme. En conséquence de quoi les Etats-Unis sont disposés à ouvrir un dialogue substantiel avec des représentants de l’OLP.
L’arrivée de Mikhaïl Gorbatchev en 1985 ouvre les portes de l’URSS aux juifs désireux d’immigrer en Israël. Ils seront un an plus tard 200 000 à l’avoir fait et un million quelques temps après la disparition de l’URSS. A Oslo en 1993, Israël et l’OLP se reconnaissent mutuellement. En 2000 c’est l’échec des négociations de Camp David. Le 11 septembre 2001 des avions de ligne détournés attaquent les tours du WORLD Trade Center. Dans les territoires palestiniens les islamistes jubilent. Israël fait l’amalgame entre Al-Qaïda et le terrorisme palestinien. Fin 2002, Sharon va assiéger le QG de Yasser Arafat et mettre à mal les institutions de l’Autorité palestinienne en représailles à un attentat, alors que l’attaque ne vient ni de l’OLP ni du Fatah, mais du Hamas dont l’objectif était ce jour-là d’empêcher la conclusion d’un cessez-le-feu et de faire échouer une initiative de paix saoudienne votée à Beyrouth par la Ligue arabe. Les exemples de cette nature sont nombreux et Yassine a remarqué qu’Israël réagissait à ces attaques en affaiblissant l’OLP. De nombreux responsables israéliens, tant militaires que politiques, avaient mis en garde contre cette politique. De son coté Sharon a
compris que chez les Palestiniens, la majorité n’avait pas le contrôle de la minorité, que l’administration centrale palestinienne n’avait pas la capacité d’imposer sa volonté à l’ensemble de la société. Pour lui, le terrorisme palestinien n’était pas national mais religieux.
Bien que moins nombreux, les attentats perpétrés contre les palestiniens par les services secrets israéliens et les réseaux terroristes juifs sont bien réel. Il s’agit le plus souvent d’attentats ciblés. Et à chaque acte d’hostilité de la population palestinienne, les militaires israéliens répondent par des perquisitions et des arrestations.
Le 11 novembre 2004 Arafat décède dans un hôpital parisien. Mahmoud Abbas est élu président de l’Autorité palestinienne le 9 janvier 2005.

Je suis CHARLIE

Après la remarquable et spontannée réaction populaire,
voici trois articles de presse que je reproduis sur ce site
dans l'ordre où j'en ai eu connaissance.

Vu des États-Unis : Pourquoi nous avons besoin du blasphème

Il y a un mois, 17 personnes périssaient dans des attaques à Paris. Dont une grande partie de la rédaction de Charlie Hebdo. Mais le droit de critiquer et même d'offenser est inhérent à la démocratie. Il doit être défendu, surtout lorsqu'il est menacé par la violence, écrivait alors le New York Times.
A la suite du terrible massacre dans les locaux de Charlie Hebdo, permettez-moi d'exposer trois ébauches de principe quant à la place du blasphème dans une société libre.
1. Le droit de blasphémer (et à toute autre forme d'offense) est essentiel dans une démocratie.
2. Le blasphème n'est pas un devoir, la liberté d'une société n'est pas proportionnelle à la quantité de blasphème qu'elle produit, et dans bien des situations il est légitime de critiquer la volonté d'offenser, de la dénoncer comme inutilement provocatrice, cruelle ou tout simplement imbécile.
3. En règle générale, plus le danger que court le blasphémateur est mortel, moins il est justifié et sage de critiquer son discours offensant. Le premier point sous-entend que les lois contre le blasphème sont intrinsèquement antidémocratiques. Le deuxième point signifie que faire preuve de retenue, en termes culturels, sur l'expression du blasphème est tout à fait compatible avec les règles d'une démocratie et qu'il n'y a rien d'antidémocratique au fait de remettre en question la sagesse, l'adéquation ou la décence de dessins, d'articles ou de quoi que ce soit visant, de façon intolérante ou grossière, ce qu'une partie de la population considère comme sacré.
Il est certain que cette remise en question peut effectivement friser l'hostilité à la démocratie - ce qui est trop souvent le cas - selon le degré de pression qui s'exerce et le flou qui finit par entourer la définition de l'"offense". Mais nos libertés fondamentales ne sont pas forcément menacées quand, par exemple, la Ligue catholique américaine condamne des ouvres d'art comme Immersion (Piss Christ, d'Andres Serrano, 1987). Pas plus qu'elles ne sont mises en danger par l'absence de caricatures grotesques de Moïse ou de la Vierge Marie dans les pages du Washington Post et du New York Times.
La liberté implique certes celle d'offenser, mais elle autorise également les gens, les institutions et les communautés à réclamer de la retenue et à en faire preuve. Mais, aujourd'hui, nous sommes dans une situation où s'applique mon troisième principe, car le genre de blasphème que commettait Charlie Hebdo risquait d'avoir des conséquences mortelles, et tout le monde le savait. Et ce blasphème-là est justement celui qui doit être défendu, parce qu'il sert évidemment le bien de tous dans une société démocratique.
Si un groupe assez important d'individus est prêt à vous tuer pour quelque chose que vous avez dit, c'est que ce quelque chose doit fort probablement être dit. Sinon, cela revient à donner aux apôtres de la violence un droit de veto sur la civilisation démocratique, et dans ce scénario la civilisation en question n'est en réalité plus démocratique. Une fois encore, la liberté ne se mesure pas à la capacité de tout un chacun d'offenser tout le monde tout le temps, et il n'y a rien de répréhensible à préférer une société où le blasphème gratuit est limité. Mais quand au blasphème répond le meurtre, il nous faut plus d'insolence, et non moins, car on ne saurait laisser croire aux assassins que leur stratégie pourrait s'avérer payante.
Sous cet angle, beaucoup de ceux qui, en Occident, ont critiqué les journalistes de Charlie ont pris très exactement le problème à rebours. Que ce soient la Maison-Blanche d'Obama et le magazine Time par le passé, ou le Financial Times et (que Dieu nous vienne en aide) la Ligue catholique américaine aujourd'hui, tous ont reproché à l'hebdomadaire d'avoir suscité la violence en se montrant inutilement offensant et "incendiaire", alors qu'en réalité c'est précisément la violence qui justifie le contenu incendiaire. Dans un autre contexte, où les dessins et autres provocations ne feraient qu'entraîner des communiqués de presse ulcérés et des commentaires outrés sur les blogs, je pourrais comprendre le rédacteur en chef Europe du Financial Times, Tony Barber, quand il écrit que des publications comme Charlie "prétendent se battre pour la liberté en provoquant les musulmans, alors qu'en fait elles sont juste stupides".
Mais si, en publiant quelque chose, vous prenez le risque d'être massacré, et que vous le faites malgré tout, vous êtes en train de vous battre pour la liberté, et c'est justement dans ce contexte que vous avez besoin que vos concitoyens passent outre à leur malaise et se mobilisent pour vous défendre. Bien trop souvent, c'est au contraire que l'on assiste en Occident : les gens sont prompts à invoquer la liberté d'expression pour justifier à peu près toutes les agressions et les provocations, avant de se défiler à la moindre menace. Preuve qu'en fin de compte il faut bel et bien du courage pour repousser les limites. Faut-il donc, quel que soit le contexte, célébrer, honorer et louer toutes les offenses délibérées ? Je ne pense pas. Mais, face aux canons des fusils, il faut les saluer et les défendre, au nom de la liberté et de la démocratie.
Ross Douthat, extraits d'un article publié en janvier 2015 dans The New York Times et publié en français dans Courrier International.

L'enfance misérable des frères Kouachi :

Quelle était l'enfance de Chérif et Saïd Kouachi, les deux hommes qui ont assassiné les journalistes et les policiers à Charlie Hebdo ? Une enfance misérable, de père absent et de mère prostituée, dans un immeuble populaire du 19e arrondissement de Paris. Evelyne les a connus, elle témoigne. Un document exclusif de Reporterre.
Elle en rêvait, de son logement social. Elle pose donc meubles, enfants, mari, dans un F4 du 156 rue d'Aubervilliers, à Paris. Avec son CAP de comptabilité, Evelyne s'en va chaque matin travailler tout près de la cité, en plein 19e arrondissement. Nous sommes dans les années 1980. La mixité sociale n'est encore qu'une théorie, un concept.
« Ici, nous vivions entre pauvres. Et encore, la plupart des gens, une fois passées quelques années, partaient ailleurs. Le quartier craignait vraiment. Nous avons décidé de rester pour changer notre environnement nous-mêmes, nous les locataires du 156. Nous voulions sauver notre quartier. »
Un enfant comme les autres
Alors, Evelyne crée des associations. L'une d'elles, Jeunes et locataires, voit le jour dans les années 1990. Son but est de sortir les enfants, de leur faire découvrir autre chose « que le ghetto ». Son association est une des rares à traverser le temps, elle existe pendant plus de dix ans. Elle parvient à dégoter quelques subventions, alors elle prend la main des gamins du quartier et les emmène ailleurs. Un goûter dans un parc, une sortie dans un beau quartier de Paris, et même un jour : Eurodisney.
On la prévient, dans la bande des enfants, l'un est particulièrement coquin, voire turbulent. Il s'appelle Chérif. Il se balade toujours avec son grand frère Saïd, plus discret. À croire que le plus petit est l'aîné. Saïd pleurniche tout le temps, et suit toujours son cadet. Evelyne surveille le cadet « comme du lait sur le feu ».
« J'adorais cet enfant. Il suffisait qu'on le cajole, qu'on le prenne dans les bras pour qu'il se calme. Moi, je l'ai trouvé touchant, ébahi comme tous les autres par la bande à Mickey. » Un enfant comme les autres, qui croit en la magie de Disney, et qui se calme dès qu'on l'apaise. « On les emmenait au cinéma, Chérif adorait y aller. »
Mère en détresse
Sa mère n'a pas d'argent pour payer la cantine, et elle n'est pas du genre à demander de l'aide. Evelyne qui aide tout le monde à faire ses papiers, ne l'a jamais vue dans son bureau. On ne sait rien du père, et peut-être même les enfants ont-ils des pères différents. Ils ont toujours vécu ici, nés en 1980 et 1982. Deux des cinq enfants ont déjà été placés ailleurs par les services sociaux, quand Evelyne suit Cherif et Saïd.
Quelques mois après la sortie à Eurodisney, Chérif rentre de l'école comme chaque midi. Accompagné comme toujours de son grand frère, il découvre ce midi-là, en plein milieu de l'appartement, sa maman morte. Morte de quoi ? Elle aurait avalé trop de médicaments. Pour beaucoup, il s'agit d'un suicide.
Finalement, tout le monde connaissait le quotidien de cette mère célibataire. Et les langues des habitants du quartier finissent par se délier. Elle ne parvenait plus à subvenir aux besoins de ses cinq enfants, elle avait fini par faire le trottoir pour arrondir les fins de mois. Elle serait morte, selon la gardienne qui était la seule qui lui parlait, enceinte d'un sixième enfant.
Les enfants sont orphelins, Saïd a douze ans, Chérif dix ans. Ils quitteront le 156, pour passer leur adolescence, en Corrèze, dans un établissement de la Fondation Claude Pompidou.
"On aurait dû aider cette maman"
Evelyne l'a reconnu sur sa télé mercredi 7 janvier. « J'ai appelé mon gendre, qui lui aussi a grandi dans le quartier. Il m'a bien confirmé. J'ai pleuré. Je me suis dit que je suis responsable. J'aurais dû aider cette maman. On n'aurait jamais dû emmener les enfants à Eurodisney, avec cet argent-là, on aurait dû aider cette maman. Chérif avait une dizaine d'années, pas plus. Finalement, à n'avoir rien vu, nous avons tué cette mère et avons été incapables de sauver ses enfants. »
Evelyne est inconsolable devant sa télévision. « Chérif était un enfant comme les autres. Mais il n'aura pas reçu d'amour. Il a trouvé dans le fanatisme religieux, la famille qu'il n'a jamais eue. Ils ont su lui monter la tête. En même temps, c'est facile de s'en prendre à des gamins aussi isolés et fragiles. Personne n'était là pour le remettre dans le droit chemin. »
"S'il avait eu une enfance heureuse, serait-il devenu terroriste ?
Evelyne tient pour responsable la politique de la Ville. « Le but était de parquer là les pauvres. Et personne ne s'en occupait. Les assistantes sociales démissionnaient une à une. Elles avaient trop de boulot par chez nous, elles préféraient se faire muter ailleurs. Alors chaque mois, on avait une nouvelle personne qui reprenait notre dossier, et au final, on n'avançait pas. »
Evelyne en veut aussi beaucoup au manque d'encadrement des enfants. « Il n'était pas rare que l'on voit des enfants de cinq-six ans traîner devant l'immeuble à minuit. Chérif lui, était comme abandonné. Je me souviens d'un jour durant lequel nous organisions un goûter. Nous n'avions pas de local, alors nous allions dans les caves. Je suis remontée chercher des gobelets, et là, j'ai vu un gardien demander à Chérif, qui était tout maigrelet, de se mettre à genoux pour demander pardon, parce qu'il avait fait une bêtise. Comme il n'avait pas de papa, et une maman absente, il était un peu le souffre-douleur. Enfin, je ne voudrais pas que vous pensiez que je le défends. Mais je veux dire, s'il avait eu une enfance heureuse, serait-il devenu un terroriste ? »
Elle raconte aussi, pour expliquer le contexte de désarroi, l'histoire d'un autre jeune, habitué de la brigade des mineurs, qu'elle faisait dormir chez elle, parce qu'il était battu par sa maman. Un jour, il fugue, les premières nuits, il dort sur le toit. Evelyne finit par le ramasser, lui faire passer une nuit dans le lit de son fils. Le matin, elle le dépose à la police. C'est un habitué, quatre fois qu'il vient. La première fois, à cause d'une brûlure au troisième degré causé par un fer à repasser. Evelyne se met en colère : « Combien de fois devrai-je vous l'amener avant que vous le retiriez de sa mère ? »
Mais le policier veut d'abord savoir comment l'enfant a vécu pendant ces huit jours d'errance. Il comprend tout, quand l'enfant parle d'un monsieur. « Les enfants étaient tellement laissés à l'abandon que le 156 était devenu un repère de pédophiles. Ils passaient le soir, les gamins étaient livrés à eux-mêmes sur le parking. Les parents ne les cherchaient pas. »
"Nous étions entourés de violence"
Evelyne en a marre : « Nous avions quatre centres sociaux dont La maison des copains de La Villette, Action fraternelle, ou encore Espace 19, mais les éducateurs, salariés, n'étaient pas plus âgés que les délinquants et leur donnaient rendez-vous dans les cafés à fumer des clopes et boire des verres. Moi, j'appliquais la méthode bénévole de la 'maman' et je n'ai jamais eu de problème avec ces jeunes. Sont-ils totalement responsables de ce qu'ils deviennent ? Délinquants, drogués, et pour les frères Kouachi, ces monstres incompréhensibles ? » Marise (prénom modifié) se pose la même question. À l'époque, elle aussi habite le quartier. Militante, elle multiplie les associations pour venir en aide aux quartiers difficiles. « J'ai vécu de bons moments. Mais avant les années 90, et la prise de conscience que la mixité sociale était indispensable, nous ne parlions pas de ça lors de nos réunions politiques. (NDLR : Marise a d'abord été militante au PC, puis au PS). La société délaisse les pauvres, les met en colère, les rend violents, puis parfois haineux. »
« Les seuls qui acceptaient de vivre au 156 étaient les sans-abris. Nous étions entourés de violence. » Evelyne renchérit. « Je me souviens de ces gamins dont le père était toujours saoûl, et s'endormait avant que les enfants ne rentrent de l'école. Il fermait à clef, les enfants dormaient dans les escaliers. Nous faisions des signalements, mais même les professeurs ne disaient rien. C'est une société entière qu'il faut condamner d'avoir laissé grandir des enfants dans une telle misère. »
"Terreau fertile"
Evelyne, chrétienne qui pense qu'il faut savoir rire de tout, savait que doucement l'islam gagnait dans le quartier. « Je voyais de plus en plus de femmes porter le voile, puis avoir des propos de moins en moins laïcs. » Marise acquiesce : « Au début, dans les années 90, un des pratiquants de la mosquée de la rue de Tanger faisait partie du Conseil de Quartier. On l'aimait beaucoup, il était très laïc, très ouvert. Nous faisions nos réunions dans la mosquée. Je trouvais cela formidable. Puis notre ami, un jour nous a dit qu'il quittait la mosquée, qu'il ne se retrouvait plus dans les paroles de l'imam. Dès lors, la porte de la mosquée nous est restée à jamais fermée, et nous voyions le changement dans le comportement. Les salafistes ont petit à petit pris possession des lieux, jusqu'à l'arrestation de la cellule des Buttes Chaumont. »
Marise pense que l'intégrisme ne peut prendre racine que sur ce genre de terreau fertile où la précarité et l'abandon ont pris la place normalement nécessaire de l'intégration. « Mais je suis optimiste, depuis l'avènement de la mixité sociale, les choses vont mieux. Je reste persuadée que la mixité était la bonne solution. En revanche, ces enfants nés dans le triple abandon, d'une société, parfois de racines, et encore pire d'éducation, n'ont pas pu apprendre les limites, pas pu s'intégrer. Et ils ont trouvé refuge dans la délinquance, la violence, la prison, et parfois dans l'intégrisme religieux. Il reste cependant de nombreuses structures à créer pour prévenir, intégrer, encadrer. Tenez, pour l'intégration, moi j'aime beaucoup animer l'atelier tricot au Centre Social Riquet mais je dis aux femmes d'arrêter de parler une langue entre elles que je ne comprends pas, j'ai l'impression qu'elles parlent de moi. Ça les fait rire. Mais finalement, parler le même langage quand on est ensemble, c'est plus simple non ? »
Pour Marise, « nous sommes responsables de ne pas avoir offert une jeunesse équilibrée à ces mômes, en n'ayant jamais vu la souffrance de leur mère, leur désarroi d'orphelins. Mais ce n'est pas une excuse pour tuer les autres et ne pas avoir le recul face à l'absurdité du fanatisme. »
Evelyne, elle, qui a pris sa retraite et vit maintenant dans la région Centre, concède : « Je ne devrais pas le dire, vous allez me prendre pour une folle, mais quelque part, moi ces gamins-là, je les plains. »
jeudi 15 janvier 2015 un article de Eloïse Lebourg (Reporterre).

Rédactrice en chef d'un jour de l'Humanité le 3 février 2015 Lydie Salvayre, romancière, prix Goncourt 2014,
a livré un texte remarquable sur les événements du 7 janvier dernier à Charlie hebdo.

Je ne prétends pas regarder de haut les événements du 7 janvier, ce qui serait une façon de m'en exclure. Je suis dans la même perplexité que vous, dans le même souci, dans la même inquiétude. Je ne voudrais pour rien au monde ressembler à ces experts qui proposent, l'air connaisseur, des solutions destinées à des hommes à qui ils n'ont jamais parlé le langage des hommes, et dont ils ne savent rien que des détails prélevés dans des livres savants.
Je refuse de parier sur le pire comme certains l'ont fait, ici, avec succès, ou de tomber dans le travers des optimistes qui croient que tout s'arrange avec quatre caresses bien senties. J'essaie juste de lever un certain nombre de questions sur la situation française que voici résumée : tandis que les uns détournaient pudiquement les yeux devant ce qui agitait nos banlieues comme devant une chose sale, d'autres s'ingéniaient inlassablement à le stigmatiser. Et puis il y eut, soudain, dix-sept meurtres : ceux d'individus pris en otages dans un supermarché casher, de pauvres anonymes que le hasard avait mis sur la route des djihadistes, et les meurtres de ceux qui travaillaient dans les bureaux de Charlie Hebdo, des figures aimées, qui n'avaient cessé tout au long de leur vie de dénoncer les abus perpétrés par les pouvoirs, tous les pouvoirs quels qu'ils fussent, et qui connaissaient le danger qu'une caricature ou le tranchant d'une phrase pouvaient faire subir à l'ordre établi. Le pays fut saisi d'une émotion immense.
Alors on s'assembla; on fit de grands discours pour mieux couvrir le désarroi dans lequel on était; on se réclama brusquement de l'esprit libertaire, la main posée sur la poitrine; on répéta à en perdre le souffle « Je suis Charlie, je suis Charlie »; mais surtout, on découvrit qu'une haine sauvage, une haine mortelle animait de jeunes Français, une haine comme on n'en connaissait pas, une haine dont peu d'individus, me semble-t-il, étaient capables, une haine qui inspirait une terreur qui tenait autant au mal accompli qu'à l'attente angoissée d'un mal susceptible de frapper à nouveau dans un futur proche, une haine à propos de laquelle il devenait urgent de réfléchir. On découvrit que cette haine animait des jeunes gens qui étaient nés en France, qui avaient grandi en France, qui avaient été scolarisés en France, des jeunes gens que rien ne distinguait des autres jeunes gens, sinon qu'ils ne craignaient en rien la mort, mieux, qu'ils la désiraient, qu'ils la préféraient en tout cas à leur vie à Grigny. Et des interrogations surgirent que j'énumère en vrac. De quelle enfance trahie était née cette haine ? De quels abandons ? De quelles solitudes ? De quelles influences malfaisantes ? De quels poisons pernicieux ? Quels exploiteurs de conscience l'avaient manipulée ? Quels « profiteurs d'abîme ?», pour reprendre les mots d'Antonin Artaud ? Existait-il une force au monde plus forte que la mort pour les en délivrer ? Pouvait-elle guérir ? Ou suppurer en antisémitisme et autres abjections ? Et quelles violences irréparables avaient subies ces jeunes gens pour qu'ils en répètent le geste avec une telle cruauté ?
Ces jeunes gens brandissaient une explication à la barbarie de leurs actes : celle-ci, disaient-ils, était exactement proportionnelle à la profondeur de leur foi. Ces jeunes gens étaient ce qu'on appelle des fanatiques, capables de sacrifier leur vie au nom de cette foi, et surtout de sacrifier la vie des autres. Et leur fanatisme furieux, leur fanatisme déchaîné me renvoyait soudain au fanatisme aveugle qui ravagea l'Espagne de 1936, ce fanatisme dont mes parents furent les témoins épouvantés, ce fanatisme qui conduisit les prêtres catholiques espagnols à bénir, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, les crimes perpétrés par les franquistes auprès des « mauvais pauvres » (je veux parler des pauvres qui avaient eu le tort de se prononcer pour le maintien de la République).
On sait à quels désastres mena ce fanatisme religieux. Que fallait-il donc proposer aujourd'hui à ces jeunes possédés pour que leur pensée critique s'exerçât dans le domaine religieux, quand la religion qu'ils adoraient et qui était leur seul soutien et leur seule armature se présentait dans certaines parties du monde comme exclusive, despotique et belliqueuse ? Il faudrait revenir une fois encore, après Freud, après Lacan, après Zizek et bien d'autres, sur ce phénomène du déni. L'écrivain français Georges Bernanos, qui fut le témoin hagard de la guerre civile espagnole, se pencha souvent sur cette aptitude des hommes à résister à tout savoir dès lors que celui-ci ne s'accordait pas avec leurs désirs ni avec leurs attentes. (.) Et d'ajouter que ce qu'il y avait, peut-être, de plus remarquable dans ce déni, c'était que, non seulement il n'était pas infirmé par les divers démentis qu'on lui opposait, mais qu'il était, au contraire, renforcé et accru par ces mêmes démentis. Comment alors instruire ? Comment alors éclairer ? Comment faire valoir les arguments de la raison ? Que proposer aux hommes lorsqu'ils semblaient désirer leur propre servitude ?
Car là aussi était le mystère. Un certain nombre d'hommes semblaient désirer leur servage. Il est une seule chose, disait La Boétie, que les hommes, je ne sais pourquoi, n'ont pas la force de désirer, c'est la liberté. Or il n'était pas de vie véritable en son absence. Et rien qui n'ait de goût si elle faisait défaut. Comment comprendre alors que des hommes y puissent renoncer, quand les animaux mouraient de s'en trouver privés ? J'arrête là. J'ai le vertige. Et pas de solutions en vue. Mais avant que des vautours ne tirent profit des événements du 7 janvier ou que d'autres proposent de pauvres pansements et quelques rafistolages, il me semble indispensable d'affronter lucidement, tenacement, courageusement toutes ces questions. Ce n'est qu'à cette seule condition que des issues pourront s'ouvrir.
Je voudrais, pour terminer, et quoique je m'étais juré de ne faire aucune déclaration ronflante, je voudrais tout de même affirmer que ce n'est pas en répondant à la haine par la haine que mon pays retrouvera l'espoir. J'ai tendance à penser que la haine n'est, la plupart du temps, que le fruit amer de l'incompréhension. Laquelle consiste à croire que celui qui se trouve sur l'autre rive », celui que, dans les traités de philosophie, on appelle l'Autre, est forcément l'adversaire, forcément le méchant. Nos philosophes contemporains nous le serinent : nous ne voulons plus de cet Autre dans un monde où les valeurs individuelles montent en puissance, où la dimension de l'inconnu a de moins en moins cours, où il n'y a quasiment plus de terres sauvages à découvrir, et où l'une de nos préoccupations principales est, précisément, de ne pas être dérangé par l'Autre, ce qui nous permet de tolérer le pire sans en être affecté.
Je n'ai évidemment pas la moindre solution pour renverser ce mouvement. Qui, du reste, serait assez fou, assez prétentieux ou assez stupide pour croire que ce renversement pourrait se réaliser en un tournemain ? Mais il se trouve que les hasards de l'Histoire m'ont amenée précisément à grandir entre deux rives : la rive espagnole héritée de mes parents émigrés en France en 1939 et la rive française sur laquelle je suis née quelques années après. J'ai pris, de chacune de ces deux rives, tout ce que je pouvais : les bonnes manières et les moins bonnes, les avantages et les désavantages, les atouts et les failles, les vices et les vertus. J'ai pris de l'Espagne son goût du baroque, sa tendance à l'excès, ses églises sévillanes et son parc Güell. J'ai pris de la France son goût de la mesure, son goût de la clarté, son goût du bien dire et des belles tournures. J'ai pris de l'une Cervantès, Quevedo, le duende et le flamenco, de l'autre j'ai pris Blaise Pascal, Saint-Simon, le fromage et l'art de converser. J'ai pris de l'une ses saintes et de l'autre ses fous. J'ai pris de l'une son tragique et de l'autre sa voltairienne ironie. Et plutôt que de choisir une rive au détriment de l'autre, plutôt que de les dresser l'une contre l'autre, plutôt que de les faire l'une et l'autre s'entre-déchirer, je me suis mise peu à peu à nager entre les deux. Cette nage entre deux rives est un sport que je me permets de recommander aux enfants comme aux adultes. Il ne demande que de la patience, quelques séances d'entraînement, et de nombreuses, d'infatigables rêveries.

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